(Crédit photo: Patrick Chartol – Pixabay)
Quand on prend son pied depuis plusieurs années en grosse cylindrée à sillonner les routes d’Europe et des États-Unis, à rouler huit à dix heures sans manger, ni boire, et s’arrêter juste pour faire le plein, que l’on conçoit des road-book sur un mois à raison d’étapes variants entre 400 et 500 km, sans jour de pause, la question est légitime.
Un soir d’été, pendant nos vacances, nous discutions avec BlackVespa de notre avenir et du fait que notre voiture qui a plus de 300’000 kilomètres au compteur finira un jour par poser les plaques. Nous réfléchissions à la possibilité de vivre autrement, sans voiture. Mais est-ce possible ? Comme nous avons la chance de vivre près d’une gare, nous nous disions que nous irions faire nos courses en transport public. Et là, j’ai dit à BlackVespa « on voit que t’es jamais allé faire les courses avec un chariot à commission. Et pour les produits frais, on va faire comment pour assurer la chaîne du froid quand il va falloir les transporter sur la trentaine de minutes que dure notre trajet ?
— On prendra une glacière, me dit-il !
— T’y connais vraiment rien. Une fois que t’as bourré ton chariot, c’est déjà l’enfer pour le tirer alors avec une glacière en plus… n’y pense même pas.
Pendant ce temps, BlackVespa, comme à son habitude, regardait sa tablette. Et comme cette manie m’énerve, je lui demande ce qu’il regarde de plus intéressant que notre discussion passionnante.
— Tu voudrais pas une Vespa ?
— Mais qu’est-ce que ce que la Vespa vient faire dans notre discussion ?
— Rien, mais j’ai toujours voulu une Vespa. Regarde…
Je jette un coup d’œil au site et parcours les modèles de guêpes… La Vespa Pic-Nic, paf, je flashe !
— Ohhhh elle est trop jolie celle-là. Laisse-moi voir ! Regarde, elle a un sac isothermique dans le panier… je pourrais venir avec toi en commission et ramener les produits frais pendant que tu rentres en train avec le caddie.
BlackVespa me regarde perplexe.
— En fait, ce qui t’intéresse, c’est le sac isothermique ?!
Son analyse n’est pas totalement fausse, ce qui nous fait bien rire. J’hésite entre le modèle 50cc et 125cc. Je ressens le besoin de ralentir le rythme. De rouler pour profiter et non pour atteindre mon but. BlackVespa me rassure et me dit qu’avec la 125cc je ralentirai de toute manière le rythme. On pense à nos virées dans les cols, au fait qu’on attaque actuellement comme des malades et qu’on accélère à la moindre occasion.
Le lendemain, nous partons pour la capitale avec la ferme intention d’aller voir ces bécanes.
— BlackVespa ? On dit moto ou scooter pour parler des Vespa ?
— Mais ça va pas ou quoi ?! Va pas dire d’une Vespa que c’est un scooter. Piaggio va se retourner dans sa tombe !
Arrivés au magasin, pas de Vespa Pic-Nic, mais un patron super sympa, sur le point de partir en vacances, dans deux jours. Il nous accueille à l’italienne, digne d’un film de Fellini. Le show, naturel, désinvolte et un brin taquin. Tout y est, la Comedia del Arte ! Comme il voit qu’on ne va pas le lâcher, il me sort un vieux modèle de Vespa à essayer. Je pars la poignée au fond tout en saluant un motard qui vient en face (on se refait pas). Je ris comme une gamine sur ma Vespa. C’est marrant de passer de 340 kilos à tout juste 115. La position et les petites roues donnent l’impression que rien n’est stable… Aïe un passage piéton, je pile sur les freins et manque de traverser la carlingue, moi qui ai l’habitude du frein au pied. Sauf que là, le frein est aux mains. Le piéton me regarde l’air de dire « mais tu fous quoi ? ». Et moi, je rigole à pleins poumons. Je rentre au garage, ma décision est prise.
— Je signe où ?
L’affaire est dans le sac, sauf qu’il va falloir attendre que Monsieur Imperadori rentre de vacances pour chevaucher ma Pic-Nic, soit trois semaines !!! L’horreur.
Le soir, de retour à la maison, BlackVespa surfe de manière acharnée sur le site de Vespa. Il écume tous les modèles et finit par me demander.
— Ça t’embête si j’en prends aussi une ?
— Mais bien sûr que non ! Tu veux quel modèle ?
— La GTV 300 en noir me plaît bien.
— Tu veux une 300 ? Tu vas t’embêter si j’ai une 125 ! Je te dis tout de suite que j’ai pas envie de faire des courses. Je veux ralentir ! Je regrette déjà de ne pas avoir choisi la 50cc…
Le lendemain, nous retournons vers le garagiste (Vespa Servizio depuis plus de cinquante ans). Il nous regarde avec un fond d’angoisse dans le regard. On le rassure et lui disons que nous souhaitons acheter une nouvelle Vespa, la GTV 300 et non annuler l’achat de la Pic-Nic.
Elle non plus n’est pas tout de suite disponible. Peu importe, on la commande.
BlackVespa et moi, c’est un peu n’importe quoi quand on a quelque chose dans la tête, on y va à fond. Complètement survoltés, nous passons les trois semaines qu’il nous reste de vacances à visiter toutes les concessions Vespa de Suisse romande. On pousse même la plaisanterie jusqu’à Bienne et Zürich. On cherche nos Vespa, pour les voir pour de vrai, les toucher, les humer, les analyser. Bref, deux tarés en goguette. Je vois la mienne plusieurs fois, mais ne peux pas monter dessus. BlackVespa voit la sienne, mais dans une autre couleur, c’est pas la même chose.
On cherche des habits aussi, en vain. Nous pensions naïvement que Vespa, c’était comme Harley, avec des concessions et du matériel à gogo pour vivre Vespa, manger Vespa, dormir Vespa, s’habiller Vespa… Mais non. Vespa c’est à la fois le charme et la désorganisation de l’Italie. Il y a bien des habits et quelques accessoires, mais jamais disponibles. Ils sont sur le catalogue, mais en rupture de stock. Les Suisses sont moins bien lotis que les pays européens pour les réassorts apparemment. À force de visiter des concessions, on arrive à attraper une tasse par-ci, des magnets par-là, un t-shirt, un Hoodie et une veste en jeans, oh miracle !
La chasse au trésor nous permet de patienter le temps que le garage ouvre à nouveau ses portes. En attendant, nous lisons et regardons tout ce que nous trouvons sur Vespa. Il y a des documentaires historiques, des livres et même un film sur Netflix. Rapidement me vient l’envie de réaliser Paris-Dakar à Vespa. BlackVespa me traite d’inconsciente. Je cherche des vidéos et trouve toutes sortes de périples déjà réalisés à Vespa. L’Islande, le Pôle Nord, Paris-Dakar (la course), le désert, la neige… Rien n’arrête la Vespa ! Mais à chaque fois, les aventuriers roulent avec d’anciens véhicules, des deux temps. Je dis à BlackVespa que j’adorerai apprendre à bricoler ma Vespa, à savoir la réparer. Je ne m’engagerai pas dans un périple lointain sans ces connaissances. C’est décidé, nous partirons à la recherche d’un vieux modèle de Vespa et le retaperons ensemble. C’est de la musique d’avenir, avant, il va falloir roder nos belles pour grappiller quelques chevaux par-ci, par-là.
Les road-book sont prêts pour nos premières ballades, restez attentifs, ils arrivent !
En attendant, profitez à fond ! Les seules limites que nous ayons, c’est celles que nous nous mettons.
Ride safe !
VespaBaby